« I wish you were here » dans les écouteurs, ordinateur en face, doigts qui claquent sur le clavier, la lumière de l’écran…mmm…je l’aime. Je prends mon pied, gin-tonic dans un verre, cigarette qui se consume toute seule dans le cendrier, joint à moitié entamé, quelques trais tirés, et alors ? Suis-je « Nicole K., 38 ans, droguée, prostituée ? Ça, c’était avant.
Non, non…rien de tout cela. Plus. Plus rien, seule une plénitude m’envahit. Transpiration soudaine, sourire béat, yeux brillants, mais clairvoyants. Non, je ne vais plus dans l’excès. Non, je ne dis plus oui ! Non, je choisis. Non, je dis oui aussi. Non, je suis heureuse. Non, j’ai découvert une famille. Non, j’ai inventé mon métier. Non, je vous emmerde aussi. Non, c’est vrai je ne connais pas l’amour intime. Totalement intime. Ces deux corps, ces deux chairs, ces deux regards, ces deux sourires… Je viens tout juste d’apprendre à m’aimer et à aimer mes amis. Mais l’autre amour dont vous me parlez, je ne connais pas ! Merde, alors ! Ce n’est pas une honte, une tare, ni un mensonge pour obtenir de la pitié. C’est vrai ! Et bien vrai ! À moins que…il est là. Son absence me bouffe déjà. Il pourrait être ici. À mes côtés. Chaleur humaine. Un souffle. Une main.
« J’étouffe ! Aidez-moi ! Je ne veux plus souffrir, sortez-moi de cet état, je n’en veux pas ! ». Voilà donc la douleur que j’ai reçue lorsque la porte claqua et que j’entendis le moteur de sa moto. Injuste. Un homme. Un être humain. Il ne vous veut que du bien. Et pourtant j’ai mal. Il m’a dit « à bientôt » avant de partir à 9h du mat. Et quoi…pourtant le temps passé ensemble était juste, vrai, spontané, abrupt et tendre. Je ne comprends pas. Je ne veux même plus comprendre. Je regarde le monde autour de moi et je ne différencie pas un être humain d’un autre. J’observe. Je m’observe les observer. Pourquoi ? Mon Dieu, pourquoi ? Un café ? Tu me l’as demandé au réveil. Pas difficile : une cafetière italienne, de l’eau, du bon café, tassé, mais en secouant délicatement le bas de la cafetière pour le rendre onctueux. Plaque allumée sur le 6, pas trop fort, juste assez pour que le mélange entre l’eau et le café se rejoigne, un bruit de fond semblable à un train vapeur, une légère fumée, et surtout l’odeur. Cette odeur qui embaume la maison toute entière. Ces deux corps, debout, habillés, s’enlaçant…ainsi. Durant de longues minutes. Prendre conscience que l’autre aussi a un cœur. Que l’autre aussi a eu ses souffrances. Lui aussi en a versé des larmes. Rythme lent, un doux « boum, boum » que l’on se refile, balle de ping-pong, aérien. On s’envolerait bien ailleurs avec lui. Soudain, la vie prend un autre sens. Seule, faire tout toute seule. Je ne pensais pas un jour utiliser le mot seul. Et pourtant dans ses bras…un équilibre se crée. Non, ne pars pas. Ne me quitte pas ou au moins rassure-moi que l’on va se revoir, vite. Ne me donne pas cette image de toi, ne repars pas. Ne plonge pas dans mes bras, dans mon âme, comme ça, juste pour combler ton manque. Je ne suis pas là pour le manque. Je veux être là juste parce que c’est moi. Un p’tit peu de moi. Une mèche de cheveux, un geste, un parfum, quelques pas dans le couloir, un regard fuyant la gêne. Il ne l’a pas vu…ce regard. Il pense que je passe au-dessus de tout et que je ne prends rien au sérieux. Que par mon vécu, aujourd’hui je suis devenue une femme bien trop libre pour être amoureuse. Que ma souffrance, inscrite sur mon front, ne disparaîtra donc jamais. Trait à l’horizontale, impossible de cacher le passé, à moins de porter une frange.