Le temps d’entendre soudainement la pluie. Le temps de se lever pour se faire couler un bain et être sûre que la température de l’eau est parfaite. Le temps de penser à ce soir et se demander : « mais qu’est-ce que je vais me mettre ». Le temps de reprendre un texte en main et d’écrire deux lignes. Le temps de relire le texte en entier, un verre entamé, la chaise scotchée contre le mur, les jambes allongées, les pieds croisés sur le bureau. Le temps d’entendre un « bip » signalant un SMS « call me back ». Le temps de sortir de sa bulle, entendre sa propre voix pour la première fois de la journée et demander comment son interlocuteur va. Le temps qu’il me réponde et qu’il me pose la même question. Le temps que je lui dise que tout va bien, sans le moindre doute. Eh oui, tout va bien. Le temps qu’il m’explique le pourquoi du coup de fil, bonne nouvelle. Le temps que je lui file le nom d’un médicament pour son mal de dos. Le temps de se souhaiter un bon week-end et de me rappeler lundi si ça ne va pas mieux. Le temps de le mettre dans une case de personnes que l’on ne fréquente pas les week-ends, mais une personne que j’apprécie tout de même. Le temps de me dire que ma vie est un doux rêve éveillé. Le temps de ressentir que je me sens aimée. Le temps de courir pour arrêter l’eau de la baignoire qui déborde presque. Le temps de se déshabiller, de faire un pipi, d’attacher mes cheveux avec une pince à moitié cassée. Le temps de poser le petit verre de vin dans un coin de la baignoire, le cendrier dans l’autre et le téléphone sur la cuvette des chiottes. Le temps d’en rallumer une autre et soudainement vouloir l’éteindre, car ce n’est pas encore le moment de la consumer. La reposer et fermer les yeux. Le temps de penser à lui. Le temps de penser à ses mains. Le temps de penser à son regard. Le temps de penser à ce baiser torride. Le temps d’avoir envie de lui. Le temps d’impatience pour le revoir. Le temps de le ressentir à nouveau contre moi. Le temps qu’il soit à l’intérieur de moi. Le temps qu’il me regarde encore et encore en me pénétrant. Le temps qu’il dépose à nouveau un doux baiser sur mes lèvres. Le temps de jouir. Le temps de reprendre mon souffle. Le temps de réaliser qu’il m’a niqué la tête. Le temps que mes jambes, même sous l’eau, cessent de trembler. Le temps d’ouvrir mes yeux et de m’apercevoir qu’il n’est pas là. Le temps de reprendre conscience. Le temps de prendre mon petit verre. Le temps de reprendre la cigarette et de réaliser qu’elle ne s’est jamais éteinte. Le temps de reprendre ce geste fin et délicat que celui de fumer. Le temps d’observer la fumée s’en aller au loin comme le désir juste achevé. Le temps de sortir, de s’essuyer, de se rendre compte que la serviette pue l’humidité. Le temps de se crémer, de se parfumer, de se maquiller. Le temps de s’habiller et de se regarder pour se dire que tout est OK. Le temps de ne pas oublier de descendre la poubelle avant de partir. Le temps de répondre au téléphone pour me dire que l’amie sera en retard. Le temps de regarder les horaires de train. Le temps de la rappeler pour lui dire : « relax, on prend le suivant dans ½ heure, comme ça je peux commencer un texte avec un verre de rouge et une cigarette. ». Le temps d’arrêter d’écrire, et de relire le texte à vif. Le temps de se dire : « l’histoire est terminée ! » Le temps de réaliser qu’il m’a suffi de dix minutes pour écrire ces quelques lignes. Le temps d’une cigarette…